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Je voudrais me déposer la tête

De l'errance à la lumière

5 mars 2009

Marie Ferland

C'est un tout petit roman, peu de pages, peu de mots, mais chaque mot est minutieusement pesé, comme si c'était de l'or», écrivait la chroniqueuse littéraire de La Presse à propos de Je voudrais me déposer la tête, le premier roman de Jonathan Harnois. Pour sa part, après avoir lu l'œuvre de Harnois, Claude Poissant avait une idée en tête : transposer à la scène ce tout petit roman cassant, vibrant d'une sincérité à toute épreuve. Voici chose faite, et de belle manière. Constatez-le, le 24 mars, alors que le Centre culturel de l'Université de Sherbrooke présente Je voudrais me déposer la tête, du Théâtre PàP.

Nous sommes en banlieue mont-réalaise. Ludovic y habite. Il étudie au cégep et passe la plupart de son temps avec son amoureuse Andelle et son meilleur ami Félix. Mais voilà qu'un matin, la vie de Ludo bascule : Félix s'est suicidé. Comment faire face à cette brutale et inconcevable réalité? Comment redonner un sens à sa vie?

Sans complaisance aucune, Ludovic racontera la mort précipitée de Félix et tous les sentiments, fils électriques mêlés, qui se logeront pendant des semaines dans chaque battement de son cœur. «Félix s'est endormi pour de bon, il a quitté les méandres de l'existence, il a coupé le tourment. Et maintenant moi je suis une ombre givrée, en alerte.»

Tristesse en dentelle

C'est avec une grande délicatesse que Claude Poissant entre dans l'univers de Jonathan Harnois. Le metteur en scène a en effet su préserver la richesse intérieure du narrateur; il l'a même magnifiée. À ce titre, plutôt que d'entrevoir un long monologue, il a choisi de multiplier la voix. Ainsi, ce sont Christian Baril, Étienne Pilon et François Simon T. Poirier – trois comédiens d'une rare sensibilité – qui incarnent à tour de rôle la voix de Ludovic. Trois voix, un seul deuil, une seule douleur innommable.

Ensemble, auteur et metteur en scène ont fait grandir l'oeuvre. Ainsi, c'est à la demande de Claude Poissant que Jonathan Harnois ajoutera un touchant monologue livré par la mère de Félix (Annick Bergeron); un des moments forts du spectacle.

Je voudrais me déposer la tête est une œuvre de désarroi, de colère et de lucidité sur l'errance des sentiments. Par son authenticité, son style simple et ses métaphores cinglantes, on y pose un regard jamais manichéen sur le fragile retour au réel, sur l'absence, sur l'utilité des choses, de la vie. Une pièce d'une tristesse magnifique, porteuse d'espoir.